"Je n’y arriverai jamais", "Je ne suis pas à la hauteur", "J’ai peur…" Si notre
esprit génère ce genre de doutes, il peut aussi les éliminer. Mode d’emploi.
Soyons lucides, je ne suis pas au niveau. Et je me suis mis toute l’équipe à dos.» Julie, brillante polytechnicienne de 35 ans, se souvient à quel point elle s’était fustigée après une présentation ratée devant un big boss. Alors cadre supérieure dans une grosse banque, elle vivait ce que les psys appellent le «syndrome de l’imposteur», persuadée d’usurper la place de quelqu’un d’autre, qui aurait été plus compétent qu’elle. A l’inverse, sa sœur Marie, artiste peintre, s’épanouissait dans son atelier, sûre d’elle et de son avenir. Bien que les deux jeunes femmes aient reçu la même éducation, l’une était en proie au doute permanent, tandis que l’autre avançait avec confiance. Comment expliquer une telle différence ?
Selon l’Institut de médecine environnementale (IME), la clé de nos comportements réside dans l’estime de soi, laquelle est fondée sur trois piliers. Le tempérament, constitué des motivations et des préférences profondes, se forge de 0 à 6 mois : c’est le socle de la personnalité. La confiance en soi dite spontanée s’affirme à l’âge de
3 ans, lorsque l’enfant se met à dire «non», et se renforce à la puberté. Enfin, le caractère se construit à chaque étape du développement et des expériences vécues par l’individu. Or il suffit d’un manque, d’une défaillance lors de notre développement pour que l’estime de soi soit fragilisée. Adulte, des situations précises – devoir s’adresser à une figure d’autorité comme un PDG, prendre du galon, négocier un gros contrat… – peuvent faire ressurgir cette vulnérabilité. Mais l’estime de soi n’est pas comme la couleur de vos yeux : vous pouvez la faire évoluer. Cinq pistes à suivre pour y parvenir.
1. Prenez appui sur vos
dispositions naturelles
«J’avais envie d’être laborantine. Mais en fac de biologie, j’ai déprimé. Et le jour où j’ai dû disséquer une grenouille, j’ai décampé.» Céline Chaubard, manager à Companeo (conseil aux PME), a alors bifurqué vers une tout autre filière, la vente, où elle poursuit une belle carrière. «Aujourd’hui, raconte-
t-elle, je suis responsable d’une équipe de télévendeurs. Cela aurait été une erreur de m’obstiner dans la recherche alors que j’ai la fibre relationnelle et le goût du challenge.» «Quand on va vers ses prédispositions naturelles, on risque peu d’échouer», confirme Pascal Vancutsem, coach de dirigeants chez Coaching & Performance.
Pour identifier les vôtres, soyez attentif à vos émotions. Dans quel domaine avez-vous l’impression d’agir avec aisance et plaisir ? Si vous éprouvez un fort sentiment de sécurité intérieure, c’est que vous êtes en phase avec votre nature profonde. A contrario, suivre une voie qui n’est pas la sienne fragilise. C’est ce qui s’est produit pour Julie : en se conformant au schéma parental d’une carrière élitiste, elle a contrarié son goût pour l’expertise financière et altéré son estime d’elle-même. Et quand elle a accédé à une fonction de top management, la belle construction s’est fissurée. Alors qu’en suivant sa vocation artistique, sa sœur a puisé dans ses motivations profondes.
Appuyez-vous, vous aussi, sur vos talents et vos facilités naturels, quelles que soient les directives de votre fiche de poste. Vous aimez le contact ? Servez-vous-en pour créer du lien entre vos collaborateurs, par exemple. Vous êtes enclin à la discrétion mais aimez épauler ? Soyez présent en cas de difficulté.
2. Evacuez les pensées néfastes et les croyances limitantes
Dès que notre ego est touché, nous avons tendance à nous dévaloriser. Il faut faire taire cette petite voix intérieure qui nous juge sévèrement : «Je ne suis pas à la hauteur», «De toute façon, je n’y arriverai pas…» «Ces croyances limitantes nous paralysent, observe Nicolas Dugay, coach et directeur associé de CAA. Car même si elles sont fausses ou simplement exagérées, le cerveau les considère comme vraies. A la moindre situation de stress ou d’incertitude, il les réactivera automatiquement. Il faut les “déraciner” pour les remplacer par des pensées constructives.» Ne croyez pas qu’un simple «mais si, tu vas y arriver» suffira. Pour se persuader qu’on est à la hauteur de la situation, il faut recourir à des contre-exemples «antidotes».
Pour cela, dialoguez sous forme de questions-réponses avec quelqu’un qui vous connaît bien. Par exemple : «Je n’arrive pas à parler spontanément à mon chef de mes idées.» «As-tu déjà eu l’occasion de le faire ?» «Oui.» «Sur des sujets importants ?» «Oui.» «Pourquoi cela a-t-il fonctionné ?» «J’avais élaboré un plan d’action sur un projet.» «Qu’en a-t-il pensé ?» «Il m’a félicité»… C’est efficace pour se rassurer. Autre parade possible, plus utilisée à l’étranger qu’en France : pratiquer la méthode Coué, par le biais d’affirmations positives. «Plus celles-ci seront courtes, spécifiques et formulées au présent, mieux elles neutraliseront vos croyances limitantes», expliquent Rosette Poletti et Barbara Dobbs, des professionnelles de santé, dans «L’Estime de soi» (Editions Jouvence). Depuis sa prise de poste en tant que manager, Céline Chaubard a adopté une autre technique. Chaque soir, elle liste ce qu’elle a effectué de positif dans la journée et les résultats qu’elle compte obtenir le lendemain. «Imparable, dit-elle, pour garder un mental d’acier.»
3. Donnez-vous le droit d’échouer pour ne plus craindre la chute
Une autre croyance se révèle particulièrement ravageuse : se dire qu’on n’a pas le droit de se louper. Elle sévit particulièrement chez les sportifs de haut niveau. «L’erreur est de faire dépendre son estime de soi d’une seule performance ou de ses performances dans un seul domaine, indique Juliette Tournand, coach de dirigeants et de grands navigateurs, auteure de “Secrets du mental” (InterEditions). Car au moindre accroc, tout s’effondre.» Face à cette menace, surtout si vous vous investissez trop dans votre boulot, elle préconise deux remèdes. «Tout d’abord, identifiez au moins trois grandes sources d’équilibre dans votre vie : votre situation familiale, vos relations amicales et un hobby où vous excellez, par exemple. Ainsi, si vous subissez un revers professionnel, les autres aspects vous aideront à préserver votre énergie, vos émotions positives et votre estime de vous.»
C’est ainsi que procède le skippeur Jean Le Cam, qui dispute depuis des années le Vendée Globe. Avant et pendant l’épreuve, il garde toujours en tête l’enjeu de la course, mais il n’oublie jamais qu’il ne s’agit que d’un pan de son existence. Résultat, en cas de contre-performance en mer, il s’appuie sur ses deux autres «raisons d’être», sa famille et sa passion de la technologie, pour se remotiver. «La seconde technique est de concentrer ses efforts sur ce qu’on peut maîtriser, poursuit Juliette Tournand. Boucler un dossier, bétonner un argumentaire, piloter tel projet… Inutile de dépenser son énergie à s’inquiéter pour des éléments hors de notre contrôle.»
4. Affranchissez-vous du regard que les autres portent sur vous
«Tout le monde se fichait de moi, même mon banquier, raconte Guillaume Gibault, qui a créé Le Slip français en 2011. J’ai quand même réussi à lui emprunter 10.000 euros pour un projet qu’il estimait complètement ringard.» Ce patron de 27 ans (lire son témoignage page ci-contre) ne s’est pas laissé déstabiliser par les moqueries. Bien lui en a pris : surfant sur le très en vogue «made in France», sa PME sacrément culottée réalise déjà 300 000 euros de chiffre d’affaires. Pourtant, le regard des autres peut facilement ébranler une estime de soi vacillante. «On entre alors dans un cercle vicieux qui consiste à toujours chercher l’approbation de l’autre», observe le psychothérapeute Frédéric Fanget, auteur d’«Oser, thérapie de la confiance en soi» (Odile Jacob). Pour croire en soi, il faut d’abord se sentir libre.
Ne donnez pas aux autres le pouvoir de vous juger, permettez-leur seulement d’exprimer leur opinion. Et si le doute est exprimé par votre chef ? Minimisez-en autant que possible la portée, comme a appris à le faire Virginie David-Cosme, lorsqu’elle était formatrice chez Air France. «J’avais demandé à mes supérieurs si je pouvais passer du statut d’agent de maîtrise à celui de cadre. C’était légitime, mais ma n + 2 m’a rétorqué : “Je ne suis pas sûre de pouvoir vous faire confiance.” J’ai été tellement choquée que j’en ai développé une cervicalgie aiguë qui m’a forcée à prendre du recul vis-à-vis de mon travail.» Cette mise à distance lui a permis de puiser dans ses ressources : elle a finalement décroché une formation, puis un poste de cadre à la DRH.
5. Visualisez-vous en train de triompher des obstacles
Et si vous deveniez le metteur en scène d’un film où tout se déroule parfaitement ? Vous avez le meilleur rôle, vous réussissez avec brio tout ce que vous entreprenez, vous vous sortez des situations les plus délicates. C’est ce que les coachs sportifs appellent la «visualisation» : vous suscitez une succession d’images mentales où vous atteignez vos objectifs. Jack Nicklaus, l’un des meilleurs golfeurs de tous les temps, avait ainsi l’habitude d’attribuer 10% de sa réussite à sa forme physique, 40% à sa technique et 50% à la visualisation mentale de ses coups (trajectoire, réception, rebond de la balle…).Si cette technique se révèle tellement efficace, c’est parce qu’elle leurre le cerveau. «Que l’individu visualise un geste ou qu’il l’exécute réellement, pour notre cortex, c’est pareil : les connexions neurologiques sont les mêmes», explique Nicolas Dugay.
Détendez-vous et laissez libre cours à votre imagination. «Visualisez une fin heureuse qui couronne un parcours sans faute accompagné d’un sentiment de satisfaction intense, suggère Edith Perreaut-Pierre, ancien médecin militaire et coach, auteure des “Techniques d’optimisation du potentiel” (InterEditions). Ensuite, reprenez le scénario depuis le début, en imaginant cette fois que vous franchissez un à un tous les obstacles rencontrés.» Ainsi, ce directeur informatique, déstabilisé à l’idée de présenter son projet en public, a d’abord visualisé la fin de sa conférence couronnée d’applaudissements. Ensuite, il a mentalement revécu l’expérience en se représentant en train de bredouiller, d’avoir des trous de mémoire, puis en se voyant retomber sur ses pieds. «On peut aussi rechercher dans son passé des réussites similaires à celle qu’on voudrait connaître», souligne la sophrologue Nathalie Bergeron-Duval.
L’intérêt de la visualisation ? Elle mobilise nos cinq sens. Luc a entendu les bravos, connu la satisfaction d’être écouté, éprouvé la peur de perdre le fil de ses pensées, senti sa gorge devenir sèche : des images qu’il a rectifiées en s’imaginant reprendre sa respiration, boire un verre d’eau, consulter ses notes… Il faut répéter ce processus au moins quinze à vingt fois pour ancrer en soi de nouveaux réflexes «pavloviens». L’idéal est même de repérer, au cours de cette session d’imagerie mentale, un stimulus qui vous aidera à trouver une énergie positive avant l’épreuve. Pour Zinedine Zidane, c’était, avant chaque match, d’enfiler systématiquement sa chaussette gauche avant la droite.
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